Expédition de votre Canard enchainé

EXPEDITION SOUS 24H

Envoi soigné de votre Canard enchainé

ENVOI SOIGNÉ

Paiement sécurisé pour l'achat de votre Canard enchainé

PAIEMENTS SÉCURISÉS

Livraison offerte de votre Canard enchainé à partir de 15€ de commande

LIVRAISON OFFERTE À PARTIR DE 15€

Paiement sécurisé pour l'achat de votre Canard enchainé

PAIEMENTS SÉCURISÉS

N° 856 du Canard Enchaîné – 23 Novembre 1932

N° 856 du Canard Enchaîné – 23 Novembre 1932

59,00 

En stock

On est sur la piste du lampiste 

23 novembre 1932 : dans les colonnes du Canard enchaîné, un petit employé des chemins de fer entre dans l’histoire. Sous la plume de Jules Rivet, le lampiste naît de la parodie d’un attentat raté contre Édouard Herriot. Le Canard enchaîné a vu la création, dans ses colonnes, de personnages devenus familiers, voire célèbres. Citons, par exemple, « le Bouif » de Georges de la Fouchardière, ou « l’ami Bidasse » d’André Guérin. Mais celui du « lampiste » est sans doute le plus fameux, car il n’a jamais quitté la scène.

Mais c’est le titre de l’article de Pierre Bénard, paru dans le numéro 903 du 18 octobre 1933, qui va le populariser, avec l’expression: « faisons payer le lampiste » ! Il en fera le symbole de la France injuste — celle où le plus petit paie pour les grands. A la base, le lampiste est un modeste employé des chemins de fer, préposé à l’entretien des lampes. Il va personnifier le français moyen, sorte de bouc émissaire, à qui on demande de se serrer la ceinture toujours davantage, bref celui qui trinque à la place des nantis.

Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix

En stock

Canard au naturel
Canard en chemise

Chaque numéro ou journal anniversaire, peut être inséré dans une pochette cadeau au choix, d’un très beau papier pur coton, comportant une illustration originale spécialement réalisée pour COUAC ! par Fabrice Erre ou Laurent Lolmede, ou pour les premiers lecteurs du Canard Enchainé par Lucien Laforge.

Cette pochette cadeau assure aussi une conservation optimale du journal : un papier au PH neutre limitant la dégradation des vieux journaux sur la durée.

Décliné en 4 pochettes originales (Gratuite)
Pochette offerte pour toutes éditions d’un prix supérieur à 59€
Visualiser les illustrations en cliquant sur le nom des auteurs

Canard laqué

Enchâssé entre deux feuilles d’acrylique (plexiglass extrudé*) il s’exposera aux regards sous son plus beau jour.

Les propriétés anti-UV de ce plexiglass de 2 mm lui assureront une conservation optimale limitant le jaunissement.

Le maintien entre les deux plaques, avec 8 petites pinces nickelées, supprime la vue des plis ainsi que leurs effets indésirables. Les marges autour du journal sont de 2 cm et sont ajustées au format de l’édition, qui a varié au fil des décennies.

*Transparence, légèreté, résistance aux chocs et aux UV

Cette présentation est déclinée en 2 options :

Plexi transparent (30€) servant de fond, plus discret mais élégant il permet aussi la vision de la dernière page du journal.
Plexi noir (35€) servant de fond, il met en valeur la teinte et le format du journal, s’harmonisant parfaitement avec les encres noires de la page.

23 novembre 1932 : Naissance du lampiste – quand le Canard invente le bouc émissaire de la République

C’est un mot passé depuis dans le langage courant, au point qu’on en a presque oublié l’origine. Le lampiste — ce petit employé anonyme qui « trinque pour les autres » — naît véritablement dans Le Canard enchaîné du 23 novembre 1932, sous la plume de Jules Rivet. Dans cet article intitulé « On est sur la piste du lampiste », le journaliste tourne en dérision une tentative d’attentat ferroviaire visant le président du Conseil Édouard Herriot, en visite à Angers, et attribuée à des indépendantistes bretons. En quelques lignes, Rivet donne vie à un personnage qui deviendra l’un des symboles du Canard — figure du citoyen moyen, petit, malchanceux, et éternellement coupable à la place des puissants.

Un attentat raté et un coupable tout trouvé

Les faits : le 20 novembre 1932, une bombe artisanale explose sous un viaduc près d’Ingrandes, en Loire-Inférieure (aujourd’hui Loire-Atlantique), sur le trajet du train spécial d’Herriot. L’attentat fait grand bruit, d’autant qu’il survient dans un climat politique explosif : grèves ouvrières, agitation des ligues, menaces d’attentats anarchistes, montée des autonomistes bretons menés par Célestin Lainé. Mais Herriot sort indemne, et la presse s’enflamme. Très vite, l’enquête piétine. Faute de mieux, on arrête des employés des chemins de fer — de simples exécutants, « lampistes », au sens littéral : ceux qui s’occupaient de l’entretien des lampes et des signaux.

Rivet saisit aussitôt la portée comique et symbolique de l’affaire. Son titre, pastiche de l’argot policier — « On est sur la piste du lampiste » — résume à lui seul la logique d’un système : quand on ne trouve pas les vrais coupables, on en désigne un petit, interchangeable, et sans défense. L’article tout entier tourne en dérision cette mécanique bien française de la responsabilité inversée.

Une enquête digne des “Studios Paramount”

Sous prétexte de relater les développements de l’enquête, Rivet écrit une parodie de reportage judiciaire. Il imagine les policiers s’embrouillant dans des hypothèses absurdes, tandis que, pour mieux « reconstituer » le crime, on tournerait carrément le film de l’attentat « aux Studios Paramount ». Le dessin de Guilac qui accompagne l’article illustre la scène : techniciens, caméra, décor de viaduc et acteurs rejouant le drame — la bombe posée sous la locomotive, et, au centre, un figurant malheureux incarnant le fameux lampiste. Tout le texte repose sur ce parallèle : la politique transformée en cinéma, l’enquête en comédie.

Avec son ironie sèche, Rivet brocarde la police, la presse et la justice dans un même élan : « On répète pour les journalistes », écrit-il, raillant les grands quotidiens toujours prompts à claironner des “révélations” sans fondement. Il montre aussi comment la figure du lampiste devient pratique : on arrête “au plus le lampiste”, c’est-à-dire celui qu’on peut attraper sans danger. Derrière la plaisanterie, le constat est impitoyable : en France, dès qu’un scandale éclate, c’est toujours le plus petit qui paye.

Le Canard invente un mythe satirique

Avec cet article, Le Canard enchaîné crée sans le savoir un personnage appelé à une longue postérité. Dans les années suivantes, le lampiste deviendra un type récurrent de la satire politique. Il incarne le Français moyen, honnête, docile, sacrifié sur l’autel de la hiérarchie et de la mauvaise foi administrative. Ce petit employé des chemins de fer, né dans un canular, deviendra symbole d’un mécanisme bien plus vaste : celui d’un pays où l’on « fait payer le lampiste », selon la formule que Pierre Bénard popularisera un an plus tard, le 18 octobre 1933.

Ce glissement, du métier à la métaphore, dit beaucoup du style du Canard : à travers une anecdote, il fabrique du langage, et par le langage, de la critique sociale. En 1932, la Troisième République est à bout de souffle. L’affaire Stavisky n’a pas encore éclaté, mais les scandales se multiplient : Banques, Transat, Oustric… À chaque fois, la justice accable de menus fonctionnaires et absout les puissants. Le lampiste de Rivet surgit donc comme une figure de vérité : le seul qui travaille encore pendant que les autres se défaussent.

Entre farce et tragédie sociale

Sous le rire, il y a une mélancolie. Rivet, comme Bénard ou La Fouchardière, observe une société où l’irresponsabilité devient institutionnelle. Dans la France des années 1930, la crise économique ravage les classes populaires, les gouvernements se succèdent sans rien résoudre, et la confiance dans la justice s’effondre. Le lampiste, victime de l’absurde, préfigure déjà le “petit contribuable” que l’on fera payer pour la faillite des élites.

Le génie du Canard est d’en rire avant tout le monde. L’article de Rivet, truffé de calembours et de dialogues imaginaires (« À l’heure X, discret coup de téléphone… »), montre un monde bureaucratique si grotesque qu’il en devient poétique. L’image du lampiste, perdue dans la fumée de la locomotive, entre dans la légende du journal : celle d’un humour qui sait dénoncer sans prêcher, et consoler sans illusion.

Un héritage durable

Aujourd’hui encore, on parle de « lampiste » pour désigner celui qui paie pour les fautes des autres. Mais peu savent que ce mot doit sa fortune à un numéro du Canard vieux de plus de quatre-vingt-dix ans. C’est dans cette édition du 23 novembre 1932 que le journal a fixé pour la première fois, noir sur blanc, la figure du coupable par défaut — celui qu’on désigne quand il faut sauver les apparences. Une invention satirique devenue vérité sociologique.