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N° 872 du Canard Enchaîné – 15 Mars 1933

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La France veut un dictateur

Le 15 mars 1933, Pierre Bénard signe dans Le Canard enchaîné une satire d’anthologie : « La France veut un dictateur ». Sous le crayon de Guilac, « M. Tardieu cherche une chemise fasciste » dans une vitrine “Aux 100 000 chemises”. Le journaliste feint d’adhérer à l’idée d’un sauveur pour mieux ridiculiser la France des Tardieu, Caillaux, Hervé et Hennessy — cette élite prête à enfiler n’importe quel uniforme pourvu qu’il soit à la mode. En bas de page, « Les deux Allemagnes » conclut froidement : il n’y en a qu’une, et elle marche déjà au pas.

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« M. Tardieu cherche une chemise fasciste » : quand Pierre Bénard démonte la France en quête d’un dictateur

Le 15 mars 1933, Le Canard enchaîné publie à sa une un texte de Pierre Bénard intitulé « La France veut un dictateur », accompagné d’un dessin féroce de Guilac : « M. Tardieu cherche une chemise fasciste ». Dans la vitrine, l’ancien président du Conseil hésite devant des modèles soigneusement étiquetés : chemises brunes « nazies », noires « mussoliniennes », rouges « bolcheviques » ou encore une série noire française. Le tableau est limpide : la bourgeoisie française, déboussolée par la crise, ne sait plus à quel autoritarisme se vouer.

Une “enquête” révélatrice : “Voulez-vous un dictateur ?”

Tout part d’une véritable initiative du Petit Journal, qui vient de lancer une enquête d’opinion posant la question : « Voulez-vous un dictateur ? » — signe, à lui seul, du climat politique délétère du début de 1933. La France sort exsangue de la crise économique mondiale, le chômage explose, les ligues d’extrême droite multiplient les défilés et, de l’autre côté du Rhin, Hitler vient d’être nommé chancelier depuis le 30 janvier.
Dans ce contexte, la peur du désordre et la fascination pour “l’ordre nouveau” font bon ménage. Bénard saisit la perche avec un humour tranchant : « Notre confrère a omis de nous poser la question, nous répondons sans hésiter : oui. »

Ce “oui” n’est évidemment pas une adhésion : c’est le ressort d’une ironie impitoyable. L’auteur entreprend de dresser, sur le ton d’un concours d’élégance, la liste des “candidats possibles” à la dictature française. Et le dessin de Guilac, montrant André Tardieu en train de choisir sa chemise fasciste comme on choisit un accessoire de mode, en résume parfaitement la thèse : le culte du chef n’est plus qu’un snobisme bourgeois.

Tardieu, Caillaux, Hervé : dictateurs de pacotille

Le premier nom est celui d’André Tardieu, figure typique du haut fonctionnariat autoritaire, ancien président du Conseil déchu mais toujours prompt à jouer les sauveurs. Bénard le dépeint comme un “Führer à mi-temps”, prêt à se “faire brunir sur la Côte d’Azur” avant de restaurer l’ordre à Paris : un chef en chemise repassée, prompt à dénoncer les communistes et à promettre la prospérité.
Mais, écrit-il, Tardieu “aurait été tout ce qu’il y a de bien”, “un Führer qui aurait mis une veste”. Autrement dit : l’homme du pouvoir fort sans le courage de ses convictions — un Mussolini de sous-préfecture.

Puis vient Joseph Caillaux, incarnation du politicien madré, revenu de tout. Bénard le désigne comme le dictateur idéal : il a l’expérience du cynisme et “a fait plus de trois cents coups”. Mais, raille-t-il, “les nazis ont la croix gammée ; M. Caillaux nous donnerait la croix de Manners”. Sous la plaisanterie perce une critique plus grave : le mépris tranquille des élites pour la démocratie, jugée encombrante et inefficace.

Et puis il y a Gustave Hervé, ancien pacifiste socialiste viré au nationalisme hystérique, décrit comme “un petit malin qui n’a pas dit son dernier mot”. Bénard rappelle sa capacité à tout retourner : l’homme qui chanta la Marseillaise après avoir crié “À bas l’armée !” pourrait, sans effort, prêter serment à un dictateur français. Sa chemise serait sans couleur fixe : un “caméléon”.

Enfin, Jean Hennessy, député radical et industriel du cognac, incarne le dictateur version commerce extérieur : « Mussolini a marché sur Rome ; M. Hennessy, bien établi sur le marché du cognac, marchera sur la France. » Par ce trait, Bénard relie satire politique et satire sociale : l’ordre nouveau, en France, serait livré clef en main par le patronat.

Une France qui s’habille “à la mode fasciste”

L’image de la “chemise” est centrale. Dans toute l’Europe, elle symbolise l’uniforme des mouvements fascistes : les brunes d’Hitler, les noires de Mussolini, les bleues des Croix-de-Feu de La Rocque. En France, Bénard et Guilac l’utilisent pour désigner une contagion morale. L’expression “La France veut un dictateur” devient ainsi une manière de dire : la République commence à se tailler, sur mesure, un costume autoritaire.

Mais Bénard pousse la logique plus loin : il feint d’y consentir pour mieux s’en moquer. “Nous répondrons : oui”, écrit-il, “mais sur deux conditions : un drapeau avec trois étoiles — travail, famille, profit — et des chemises coupées dans la laine de nos moutons électoraux.” Ce rire est désespéré : il dévoile l’absurdité d’un pays qui réclame son maître au nom du confort et de la routine.

“Les deux Allemagnes” : l’écho inquiet

En contrepoint, le billet « Les deux Allemagnes », placé en bas de page, renforce la gravité du propos. Il rappelle que Briand, idéaliste, croyait à l’existence d’une Allemagne démocratique et d’une Allemagne réactionnaire, tandis que Poincaré soutenait qu’il n’y avait qu’une seule Allemagne, menaçante. « Et c’est M. Poincaré qui n’aura pas tort », conclut sèchement le Canard.

En mars 1933, alors que le Reichstag vient d’accorder les pleins pouvoirs à Hitler, cette phrase sonne comme un glas. L’Europe n’a pas su distinguer le danger ; la France, au lieu d’en tirer la leçon, regarde le fascisme comme une mode étrangère à imiter.

Le Canard en résistance précoce

Relus ensemble, l’article de Bénard et le dessin de Guilac forment une satire d’une lucidité effrayante. Sous les bons mots et les caricatures, ils expriment une angoisse : celle de voir la République glisser, par lassitude et par peur, vers l’autorité.
En réponse à l’enquête du Petit Journal, Bénard offre une conclusion inversée : la France ne veut pas d’un dictateur, elle veut qu’on la dispense de penser. En cela, écrit-il entre les lignes, elle est déjà prête à lui ouvrir la porte.